Mars. Je sortais de chez le coiffeur, les cheveux noirs noirs noirs pour la première fois, et toi et tes cheveux noirs vous êtes mis pile-poil en face de moi, non on ne pouvait pas louper ça

Des cheveux noirs en pétard, longs ou courts selon le cheveu étudié, très en pétard, bohèmes et indomptables. Comme toi, un peu changeants, un peu inclassables, et tout à fait paumés. Il y avait donc ces cheveux noirs qui me regardaient, et en dessous des yeux au chocolat noir éclatants innocents doux comme une amande ou un dard d'abeille en furie, et puis une bouche délicieuse, bien formée en m minuscule rose clair, magistrale et tranquille. Et tout autour de petits poils noirs noirs noirs, piquants acides à vénérer

une allure de Rimbaud dans des fringues sortis de fripperies, une allure décalée, artistique, trop esthétique, un corps frêle, fragile, subtile

J'ai vu ça, on ne peut pas le louper, mais ça ne m'a rien fait. On apprend vite à ne pas se fier aux apparences. On s'est assis à la terrasse d'un café, deux bières s'il vous plait, vue sur les pavés, la tombée de la nuit, et la Bretagne personnifiée déambule dans les rues comme dans les couloirs d'un rêve

Tu as parlé de ta manière de voir cette vie, jolie, utopique espérance, tu en as parlé comme d'une fleur qui tend à s'épanouir mais qui n'y arrive pas, et tes lèvres se sont entrouvertes, très légèrement, un soupir en est sorti et tu m'as avoué que tout ce qui se passait à cette terrasse de café était vraiment très étrange

et la soirée, le jour d'après, et les semaines qui ont suivies, on était ensemble par action ou omission et le miracle s'est concretisé. Tu fumais des pétards avec ton regard paumé et m'écoutais parler de tout ce qui restait encore à faire. Tes yeux viraient vers le rouge et livraient le secret de ta poèsie. Un être égaré mais heureux de l'être avec un autre

Février. Tu as prévu de partir très bientôt au Mexique. Pour y vivre, éternellement, grimper les sommets pour ne plus y resdecendre avant une éternité

Aout. Je t'encourage à partir, seul, te retrouver et rencontrer, rien ne te retiens ici ma biche

La liberté et l'évasion t'y attendent, et puis nous deux on n'est pas un couple mais bien plus que ça, pars ma kane, pars loin de moi, parce qu'on sera toujours ensemble. Tu m'observes sans réaction, et acquiesces dans le doute général

Septembre. tu es sur le bateau à voile d'un inconnu, il t'emmène loin d'ici. Je t'ai supplié de ne donner aucune nouvelle, efface mon numéro de ton répertoire, créature à l'ouest. Tu regardes vers la berge, je m'enfuis et Butterfly caught raisonne dans mes oreilles, j'augmente le son et me retourne : tu es le point unique de l'océan

c'est pas des larmes je le jure, mais des gouttes de pluie amère qui m'ont confondue avec un nuage. Je pense trop souvent à partir à mon tour. Une fois au Mexique c'est certain on se retrouvera. Mais je reste à ma place, au bord de l'eau, guettant le retour improbable d'une canne à sucre du Mexique. Je haie la mer elle est trop immense. Un autre me déclare son amour et j'en jette mon verre de bacardi contre un mur. J'achète des craie rouges et écris sur le mur de mon appartement que j'ai vu ton reflet sur les collines couvertes de neiges. Je te peins et enfonce dans tes yeux deux aiguilles. Je déchire la toile et la recouds. La laisse tremper dans l'eau et met mon rouge à lèvres sur tes lèvres. 23 ans aujourd'hui mon charmant sagittaire, et j'écoute toujours Butterfly Caught

kanasucre du mexique

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